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À l’occasion de l’exposition « VU-PAS-VU » [1] au Musée des Beaux-arts d’Angers ArtKopel vous présente le huitième "livre-exposition" publié par Artémise et Arthur Kopel, avec des œuvres de Loriot & Mélia, accompagnées d’un texte d’Arthur Kopel. Consultez-le en cliquant sur l’image de couverture dans cet article. Philosophique est le laisser-voir qui met sous le regard l’essentiel des choses. [2] Martin Heidegger
Nous dînions entre amis, autour d’une vieille table en bois patinée par les banquets, à la lueur des bougies. Elle parlait et je me taisais. Sur la table étaient disposés les pirojki, les petits sprats fumés conservés dans l’huile, les molossols et la vodka, les blini nappés de caviar rouge et d’autres de noir, les tranches d’esturgeon étoilé, ainsi que le samovar pour le thé. J’écoutais le timbre et le grain de sa voix tout en contemplant ses mains qui virevoltaient ainsi que les corneilles mantelées lors de leurs parades nuptiales. Elle buvait du champagne français et parlait de théâtre dont elle fréquentait assidûment les représentations. Elle évoquait aussi ses peurs ; elle laissait entendre qu’elles la tétanisaient parfois. « I have spread my dreams under your feet ; Sur le mur derrière elle, d’étranges lueurs formaient des images fantomatiques. J’ai mis longtemps à comprendre que la lune se reflétait dans l’or des croissants et des croix, et que ces reflets venaient eux-mêmes se projeter sur l’argenterie des couteaux et des fourchettes, dans le cristal taillé des bougeoirs, pour aller illuminer le mur de rêves d’images. Tout s’était passé comme si la fragilité et la beauté n’étaient qu’une seule et même facette du don que puisse offrir l’art ou une femme : le chatoiement d’un rêve prompt à s’évanouir ; en quoi notre regard est encore plus fragile car il peut ne pas voir certaines réalités faute d’être assez présent à ce qui lui fait face.
Ce qui fait notre monde tient par les images que nous y projetons sans cesse. La majeure partie des œuvres de Loriot-Mélia ne peut que surgir dans l’ombre, ce n’est que par elle qu’elles adviennent ; ainsi les mosaïques d’or byzantines, les icônes, qui, à la seule flamme d’un cierge, surgissent à ténèbres. Le dispositif de l’œuvre est explicité sur le cartel : « objets divers réfléchissants, miroirs, plateau, appareil photographique, oiseau-leurre. » Un oiseau-leurre, des miroirs brisés, un appareil photographique Amateur auréolent en un rêve un oiseau de lumière sur un mur capté.
Une image est projetée au mur à partir d’improbables fragments épars, dissimulés, auxquels les artistes ont ajouté un piège-à-regard afin que ce qui est voyant ne fasse pas vision. Sur le plateau-dispositif de « L’auréolus dit le Loriot », on peut remarquer un petit arbre sur le bord, en fait un pique-palmier dont on se sert pour décorer les desserts. Le reflet — mais ne serait-ce pas plutôt l’ombre ? — de cet arbre est presqu’invisible, délicatement présent dans l’image sur le mur, il est situé exactement sur le cœur de l’oiseau... Dans ces œuvres on entend le rire d’Alexandre Calder lorsqu’entre 1926 et 1931 il fabriquait un petit cirque avec trois fois rien, ou bien encore lorsqu’il écrivait à sa petite nièce Nénette en avril 1964 : « Je sens bien qu’avant tout l’art doit être joyeux, et non pas lugubre » [7]. |
[1] Exposition jusqu’au 3 avril 2011, Musée des Beaux-Arts d’Angers - Commissaire de l’exposition : Christine Besson. [2] Martin Heidegger, Remarques sur art - sculpture - espace, p. 31, Payot et Rivages, Paris, 2009. [3] « J’ai déposé mes rêves sous vos pieds ; [4] Viktor Vladimirovitch Vinogradov, Istoriia slov : okolo 1500 slov i vyrazhenii i bolee 5000 slov, s nimi sviazannykh, Tolk, Moscou, 1994 [5] Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, Paris, 2010. [6] Antoine Furetière, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Arnout & Reinier Leers, La Haye & Rotterdam, 1690. [7] Daniel Marchesseau, Calder intime, p. 2, Solange Thierry éditeur, La Bibliothèque des arts, Paris, 1989. |
Vous pouvez voir d’autres travaux de Loriot & Mélia sur leur site officiel : |